Ostéopathie et psychosomatique. Hors-Série 19 de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves.



A propos d'algodystrophie et de douleurs abdominales.
Enjeux et apports de la double casquette. D’un côté l’ostéopathe, de l’autre l’hypnothérapeute. Dans sa pratique à « double casquette », l’auteur traite aussi bien les maux que les mots, à la croisée du corporel, de l’émotionnel et de la psychosomatique, en veillant à respecter la temporalité des patients.


Un problème physique est dit « psychosomatique » lorsqu’il est « caractérisé par la transformation d’un trouble psychologique en un trouble somatique (organique) » (Larousse). Mais Jean Benjamin Stora, psychosomaticien et créateur de l’Ecole de psychosomatique de la Pitié-Salpêtrière, nous dit : « Il n’y a pas de maladie psychosomatique, mais toutes les maladies sont psychosomatiques. » Il propose un nouveau paradigme : « L’homme est une unité psychosomatique. » Cette vision holistique est en parfaite adéquation avec la philosophie de l’ostéopathie et sous-tend ma pratique quotidienne. Toutefois, afin de clarifier mon propos dans cet article, je précise que j’y entendrai par « trouble à composante psychosomatique » toute plainte pouvant prendre, au moins en partie, sa source dans le vécu émotionnel/ affectif de la personne, que ce vécu soit présent ou passé. La plupart des professionnels du soin sont régulièrement en contact avec ces problématiques, et nombreux sont celles et ceux qui se forment à l’hypnose, aux thérapies brèves et autres approches thérapeutiques, tout en exerçant leur activité initiale.

Médecins généralistes, spécialistes, sages-femmes, kinésithérapeutes, etc., enrichissent ainsi leur pratique en développant des compétences nouvelles dont l’intégration peut prendre des formes variées. Certains utilisent de façon subtile et non formelle des éléments comme l’hypnose conversationnelle, des techniques de questionnement, etc. D’autres, avec le temps, vont jusqu’à distinguer leur activité initiale de celle de thérapeute, tout en exerçant ces deux pratiques au sein d’un même espace. J’entends ici par « thérapie » toute pratique à visée psychothérapeutique (hypnothérapie, thérapies psychocorporelles, thérapies systémiques, etc.). Cette pluralité me concerne directement : ostéopathe de métier, je suis aussi hypnothérapeute, formé à la pratique de l’hypnose ericksonienne, aux thérapies brèves et à la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR).

Mon intérêt pour ces approches est né de deux constats : d’une part, l’impact déterminant de la qualité de la relation thérapeutique sur les effets des séances d’ostéopathie ; d’autre part, l’observation de la fréquence élevée des troubles physiques à composante psychosomatique. Nous aborderons dans un premier temps les enjeux, dans les métiers du soin, de la mise en application de compétences considérées comme étant en dehors du cadre habituel et « attendu ». Puis nous verrons une manière dont le cadre d’intervention peut être redéfini. Enfin, deux exemples cliniques viendront illustrer la manière dont le questionnement peut aider à l’accordage entre le patient et le thérapeute autour de ces limites. Les enjeux de la « double casquette » Le développement et la mise en pratique de ces nouveaux apprentissages induisent, me semble-t-il, une inévitable transformation du cadre d’intervention, et imposent d’en (re)définir les limites. Surtout lorsque, progressivement, commence à se dessiner chez le praticien cette « seconde casquette » qui est celle de thérapeute. Et il semble que, même dans les cabinets où la pratique est double, et pour les motifs pouvant comporter une dimension psychosomatique, les patients viennent majoritairement consulter en premier lieu le professionnel du « physique » (le kinésithérapeute, le médecin, l’ostéopathe, etc.).

Probablement parce qu’il peut paraître moins engageant d’adopter la position « occupez-vous de mon corps », plutôt que « occupez-vous de moi ». Le défi réside dans cette transition délicate, lorsqu’elle est dictée par le processus thérapeutique, d’amener le patient à s’engager dans un travail avec une dimension plus « thérapeutique ». Lorsqu’un patient nous consulte, il vient généralement nous voir « en tant que... » sage-femme, infirmier, psychothérapeute, etc. Il arrive avec une représentation, plus ou moins précise, de ce qu’il peut attendre du cadre dans lequel la consultation se déroule. Cette vision résulte des interactions entre son parcours de vie et les représentations du contexte sociétal dans lequel il évolue. Elle influence directement son engagement potentiel dans le soin. Plus notre façon de travailler s’éloigne de ces représentations, plus elle peut créer de la confusion et susciter un sentiment d’insécurité. J’ai pu observer ce phénomène à plusieurs reprises, par exemple lors de questionnements trop « orientés psy » ou à des propositions de « travail en hypnose » introduites trop tôt.

Les réactions vont alors de la résistance subtile dans la prise en charge à l’arrêt complet du suivi. Ces expériences m’ont appris l’importance, tout particulièrement face aux troubles à composante psychosomatique, de proposer un espace structuré par des limites claires. C’est dans ce contexte, propice au sentiment de sécurité, à l’établissement d’une relation de confiance et à la prise de position, que patient et thérapeute peuvent s’engager ensemble dans le travail. Exemple d’un dispositif à double activité Le cadre d’intervention proposé aujourd’hui dans mon cabinet prend la forme présentée dans le schéma suivant. Celui-ci n’est pas explicité de façon systématique, mais il est un guide permanent dans ma posture professionnelle et ma pratique.


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L’espace de travail (1) peut être défini comme « un lieu de mise en place du processus aidant le patient à résoudre son problème ». À l’intérieur de celui-ci, nous distinguons trois sous-parties :

- Le cadre « ostéopathie » (2) ;
- Le cadre « thérapie » (3) ;
- Et l’espace de « réflexion » (4). Ce dernier est dédié aux échanges sur les attentes, afin d’y déterminer s’il s’agit d’engager un travail ostéopathique ou thérapeutique. C’est principalement au sein de cet espace de réflexion que se situent les questions que nous verrons dans les illustrations cliniques, ainsi que les explications, si nécessaire, de ce qui peut se passer dans chacun des deux autres cadres (ostéopathie ou thérapie). Lorsque les attentes sont claires dès le départ, le passage y est bref, mais il peut parfois nécessiter le temps d’une séance entière. Il est alors important d’expliciter que c’est dans cet espace que nous sommes. Et puisqu’il s’agit d’un temps amenant à la prise de position, il comporte déjà des effets thérapeutiques potentiels. Je considère chaque démarrage de consultation comme une entrée, en premier lieu, dans l’espace de travail (1). Les motifs qui m’y sont présentés par les patients sont à 80 % d’ordre somatique (douleurs, troubles digestifs, fatigue, etc.), en lien avec ma base ostéopathique. Les autres motifs sont variés et proches de ceux rencontrés dans les cabinets de psychothérapie. Pour les motifs d’ordre somatique, il existe un continuum dans la représentation des causes perçues par les patients, allant d’une vision strictement « mécanique » à une perception plus « psycho-émotionnelle », avec des degrés variés de combinaison entre les deux. Et puisque cette représentation influence directement l’éventualité d’un travail plus thérapeutique, j’y porte une attention particulière dans mon écoute.


DEUX ILLUSTRATIONS CLINIQUES
1. Algoneurodystrophie Afin d’illustrer mon propos, commençons avec l’exemple de Jérôme. Ce jeune sportif de 20 ans fait partie de ces patients « partants pour tout ». Il s’est fracturé le plateau tibial en jouant au volley il y a dix-huit mois. Il a ensuite développé une algoneurodystrophie du genou gauche qui a duré quelques mois. Lorsqu’il vient me voir, il va déjà mieux et les examens médicaux sont bons, mais il décrit des douleurs résiduelles et une appréhension qui l’empêchent de courir. Il me dit aussi : « C’est bizarre, je ne le sens pas comme l’autre, il est engourdi. » Comme j’ai un léger doute sur le fait qu’il vient bien me voir en tant qu’ostéopathe, je lui demande :
- Thérapeute : « Est-ce que je peux vous demander comment vous avez eu mon nom ?
- Jérôme : C’est avec un ami, vous lui avez débloqué le dos.
- Th. : D’accord, donc il vous a parlé de moi en tant qu’ostéopathe j’imagine ?
- Jérôme : C’est ça. Par contre j’ai vu que vous faisiez aussi de l’hypnose.
- Th. : C’est vrai. Et qu’est-ce qui vous a plutôt décidé à prendre rendez-vous avec moi ? Le conseil de votre ami ? Ou que je fasse de l’hypnose ?
- Jérôme : Que vous fassiez de l’hypnose. J’ai entendu dire que ça pouvait aider pour les douleurs.
- Th. : Ah, et vous vous demandez si ça pourrait aussi vous aider ?
- Jérôme : Oui, clairement, s’il y a des chances que ça m’aide, je veux bien. Vous pensez que ça pourrait améliorer ?
- Th. : C’est une bonne question. Parfois quand certaines douleurs persistent au lieu de rentrer dans l’ordre, il y a une part émotionnelle qui peut être liée... en lien avec l’accident ou avec d’autres choses. Et ça peut faire obstacle. L’hypnose peut aider pour lever ce qui fait obstacle. (J’adopte une approche ouverte, succincte, en gardant une position de réserve quant aux résultats possibles. Ses réponses verbales et non verbales guideront notre démarche.)
- Jérôme : C’est sûr que l’accident, ce n’était pas rien pour moi, moi qui fais beaucoup de sport, ça m’a mis un coup. S’il faut travailler ça, je veux bien. (A l’entendre et à l’observer, je perçois chez lui une réelle motivation. Je m’autorise donc à proposer directement une façon de travailler ensemble.)
- Th. : D’accord. Est-ce que ça vous convient si je vous explique comment je travaille et comment on pourrait procéder ?
- Jérôme : Bien sûr.
- Th. : Comme votre ami vous a conseillé de venir me voir, je vous propose qu’on commence par une ou deux séances d’ostéopathie. En fonction de l’évolution, si des obstacles persistent, on verra s’il peut être intéressant de continuer ce travail avec l’hypnose. Qu’en dites-vous ?
- Jérôme : Ça me va très bien. »

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Pierre PETILLOT
Ostéopathe et hypnothérapeute en libéral à Vannes dans le Morbihan. Formée aux thérapies brèves et à la thérapie du lien et des modes relationnels. Formateur en TLMR

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SOMMAIRE


06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze 

10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy 

12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen 

14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot 

28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy 

40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet

52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot 

71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann 

78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann 

94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine 

106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup 

120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot


134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly 

146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov 

152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits 

164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy
172 / Poême Ce corps K. Ficini
 

Président de l'Institut In-Dolore. Président du CHTIP Collège Hypnose Thérapies Intégratives… En savoir plus sur cet auteur


Rédigé le 08/06/2025 à 22:18 | Lu 18 fois modifié le 08/06/2025



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